Ma rencontre avec Tomohiro Nishikado, le papa de Space Invaders !
Il y a quelques jours, j’ai eu la chance de rencontrer un grand monsieur. Celui que l’on surnomme « le père du jeu vidéo Japonais », Tomohiro Nishikado, qui n’est autre que le créateur de Space Invaders… Rien que ça ! Il faut savoir que Monsieur Nishikado a créé le tout premier jeu vidéo japonais mais il est aussi derrière le premier FPS, le premier jeu à scrolling… et Space Invaders a marqué l’histoire de l’industrie sans parler de son influence sur notre culture.
En visite à Paris à l’occasion de la sortie de sa biographie signée Florent Gorges et baptisée « Space Invaders : Comment Tomohiro Nishikado a donné naissance au jeu vidéo Japonais ? » le créateur a eu la gentillesse de répondre aux questions des journalistes Français… dont moi. Je remercie fort chaleureusement Florent Gorges pour avoir rendu cela possible ! Notez d’ailleurs que cette superbe biographie est d’ores et déjà disponible chez Omaké books. Elle vous propose de découvrir la carrière incroyable du créateur en 200 pages richement illustrées, depuis son enfance à la conception de Space Invaders et davantage. Pour vous la procurer, rendez-vous ici.
En attendant de pouvoir feuilleter les pages de cet ouvrage incontournable, je vous propose donc de découvrir mon interview. Bonne lecture !
Carole Quintaine : Vos premiers mois chez Pacific Kôgyô ont été difficiles car vous n’avez pas travaillé dans la division souhaitée mais dans l’usine d’assemblage… Pour ceux qui n’ont pas lu votre biographie pouvez-vous nous parler de cette période ?
Tomohiro Nishikado : J’avais vraiment envie de faire du développement et créer des jeux. Il faut savoir que dans les sociétés japonaises il y a toujours une petite période durant laquelle on fait une formation où on apprend tout un tas de choses diverses qui peuvent éventuellement nous servir sauf que la mienne a duré 1 an ce qui est très long même pour une société au Japon… Plusieurs fois que je me suis dis : « Est-ce qu’il faut que j’arrête ? » mais comme j’avais été introduit dans la société par le biais d’un ami c’aurait été lui jouer un sale tour et le mettre dans une situation délicate car c’est lui qui m’avait présenté.
Tetsuwan Atom a été très important lors de votre adolescence. Pouvez-vous me parler de ce que représente ce manga culte pour vous ?
Pour moi, Tetsuwan Atom (Astro le petit robot chez nous) est ce qu’il y avait de mieux, c’est toute mon enfant, c’est ce qui me faisait rêver, le top du manga à cette époque. Pour moi et tous les enfants, le fait de lire ce chef d’œuvre était une source d’inspiration énorme, je faisais partie de ces enfants qui rêvaient de devenir mangaka en le lisant.
Lorsque vous avez découvert Mini Drive, vous avez eu un grand coup de coeur pour le jeu de Kasco et vous dites vous-même avoir dépensé beaucoup d’argent pour y jouer. Avez-vous des souvenirs précis le concernant ?
Quand j’étais plus jeune au lycée je dépensais pas mal d’argent sur ce jeu car je l’adorais et je me souviens d’ailleurs qu’il y avait un passage difficile où il fallait tourner au bon timing etc. Pour arriver a avancer petit a petit, avec les points et progresser dans la ville, terminer le jeu il fallait absolument passer ce point là et j’avais toujours du mal du coup je dépensais beaucoup d’argent… A la base, à cette époque j’avais déjà 16/17 ans alors que ce jeu était surtout pour les plus jeunes en réalité… J’étais un petit peu gêné, je me cachais en fait car j’avais peur que mes copains se fichent de moi donc j’allais y jouer seul. J’avais un peu honte…
Le fait de se dire qu’en plus on allait pouvoir jouer sur son écran avec sa télé et pas seulement regarder des émissions, c’était fantastique c’était vraiment une révolution !
Dans la biographie de Florent Gorges, on peut lire que votre direction pensait que Pong n’avait aucun potentiel… et que vous n’étiez pas d’accord avec cela. En mettant de côté l’histoire de Pong et son succès que l’on connaît bien, pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous étiez si certain de sa réussite ?
C’est simple, quand j’étais jeune j’étais passionné par la technologie de tout ce qui était télévisuel, c’est un attrait personnel. Mais c’est surtout que c’est la période où l’on a vu se développer les télévisions en couleurs et on voyait bien qu’il y avait un véritable engouement autour de ça, ça n’était pas un objet qu’on avait automatiquement, ça coûtait assez cher à l’époque et tout le monde en voulait, ça faisait rêver… Le fait de se dire qu’en plus on allait pouvoir jouer sur son écran avec sa télé et pas seulement regarder des émissions, c’était fantastique c’était vraiment une révolution ducoup je ne comprenais pas comment on ne pouvait pas comprendre le potentiel du jeu vidéo en fait…
Interceptor est un pionner du genre FPS, c’est peut-être même le premier de l’histoire du jeu vidéo. Pourtant, il n’a pas tant marché… Vous le qualifiez vous-même d’échec. Pouvez-vous dire pourquoi à votre avis ?
Si cela ne tenait qu’à moi j’analyserais cela de la manière suivante : c’est vrai que Sky Fighter a très bien marché parce que c’était un jeu électromécanique, forcément ce sont des matières physiques, de ce fait on a un véritable effet de profondeur. En revanche pour un premier test ça a été compliqué pour moi avec Interceptor car je n’ai pas réussi a offrir cette profondeur. L’écran était plat donc je n’ai pas pu animer suffisamment correctement pour que ce soit convaincant et je pense que c’était trop « plat » pour que ça fonctionne et puis les gens ne comprenaient pas ce que c’était à l’époque.
Space Invaders a une grande influence sur notre culture. Quel est votre sentiment sur le fait d’avoir marqué l’histoire du jeu vidéo ?
Ça fait plaisir évidemment mais ça n’est que très récemment que je me suis rendu compte du potentiel, du moins du résultat de Space Invaders sur les gens, parce qu’autrefois même si ça avait explosé je n’en avais pas conscience. Là où je suis content c’est que ça a effectivement beaucoup influencé l’industrie du jeu vidéo japonais et que c’est à partir de mon jeu qu’on a vu naître véritablement l’industrie japonaise du jeu vidéo.
Pour le développement de Space Invaders, vous avez notamment été inspiré par « La guerre des mondes » de H.G Wells. Est-ce que le cinéma a été une vraie source d’inspiration pour vous au cours de votre carrière ?
Effectivement, j’adore le cinéma, aujourd’hui je suis plutôt SF et films d’action. Après, lorsque j’étais enfant (c’est vrai qu’on allait moins souvent au cinéma qu’aujourd’hui évidemment) mais à mon adolescence j’allais voir tous les films de Chanbara (films de sabres, type cape et épée) et j’ai aussi eu une période où j’ai aimé les westerns donc oui le cinéma est une passion également.
Le meilleur des mondes serait d’arriver à utiliser les technologies d’aujourd’hui avec évidemment un résultat qui impressionne et fasse rêver les gens mais qui conserve cette simplicité et ce plaisir immédiat qu’on avait dans les jeux d’arcade de l’époque.
Quel regard portez-vous sur le jeu vidéo actuel ? Est-ce que vous pensez que c’était « mieux avant » ?
C’est vrai qu’il y a beaucoup de choses qui ont changé et je regarde cela d’une manière assez positive même si je regrette que, depuis un certain temps on dispose de tellement de moyens pour avoir une véritable débauche graphique que j’ai l’impression que souvent certains éditeurs/développeurs mettent plus d’énergie et d’argent dans le développement visuel que dans le peaufinement du gameplay du plaisir immédiat, donc le meilleur des mondes serait d’arriver à utiliser les technologies d’aujourd’hui avec évidemment un résultat qui impressionne et fasse rêver les gens mais
qui conserve cette simplicité et ce plaisir immédiat qu’on avait dans les jeux d’arcade de l’époque.
Qu’est-ce que ça fait de lire sa propre biographie, de voir que des gens comme Florent Gorges s’intéressent à votre vie, votre histoire ?
A l’origine, quand Florent est venu et m’a demandé s’il pouvait être mon biographe j’étais un peu gêné évidemment, je trouvais ça étonnant mais après réflexion je me suis dit que ça allait sortir en français, que c’était pas bien grave, que ce serait « loin » donc pas très gênant etc… Ca m’a fait plaisir mais maintenant que le livre est sorti et que j’entends parler d’une éventuelle adaptation en japonais, là je me dis « ah oui ça va devenir gênant de savoir que des gens autour de moi vont tout savoir de ma vie ! » Mais bon il va falloir que me je fasse à l’idée peut-être.
Quel est le jeu qui vous rend le plus fier ?
Alors ça n’est pas vraiment du jeu vidéo et j’en suis désolé mais s’il y a un jeu que j’ai envie de préserver et dont j’ai envie que les gens se souviennent, c’est Sky Fighter, tout simplement car c’était vraiment une prouesse mécanique à l’époque et, du point de vue visuel la première version du jeu était très impressionnante. Il y avait des effets de profondeur qui étaient vraiment magiques, les effets de mouvement du ciel qui eux aussi fonctionnaient très bien donc j’étais vraiment très fier de ce jeu et ça reste pour moi je pense ma plus belle création à ce jour.
Salut Caro ! Une interview très intéressante avec le senseï Nishikado, bourrée d’anecdotes passionnantes sur sa vie et son oeuvre. Je suis tes vidéos depuis longtemps ainsi que celles de Julien et j’aime beaucoup vos productions. Je sais que tu adores le retrogaming, est-ce que tu connais notre chaîne LORD PADDLE ? On y parle justement de rétro sous toutes ses formes, généralement à travers des vidéos pédagogiques/généralistes fun et mises en scène, on passe beaucoup de temps sur chacune de nos vidéos. On a justement abordé SPACE INVADERS dans notre vidéo sur les shoot’em up et on a aussi parlé récemment de GUN FIGHT, autre jeu connu de Tomohiro Nishikado sur notre vidéo des run and gun.